Leïla : Petit Îlot, Grandes Disputes
L’îlot Leila, (appelé îlot Persil par les Espagnols), est une petite île de 13 hectares située en Méditerranée, à seulement 200 mètres de la côte marocaine à l’extrémité est du détroit de Gibraltar. Il se trouve également à 9 km au nord-ouest de l’enclave espagnole de Ceuta (Sebta) et à 16 km de l’Espagne continentale. Ce territoire restreint, accidenté, aride et parfois fréquenté par des bergers marocains à marée basse, est surtout reconnu pour être au cœur d’une dispute territoriale entres les royaumes du Maroc et d’Espagne.
LeTouriste vous invite à explorer l’histoire pas si ordinaire de ce rocher.
Dénomination de l’îlot
Historiquement, l’îlot fût appelé Isla Perejil par les espagnols en référence à une algue marine communément appelée « persil » qui poussait sur son sol. Par la suite, il a été rebaptisé « Leila » par les bergers marocains qui y font paître leurs troupeaux de chèvres. La dénomination l’île de Toura est également citée de temps en temps reprenant le nom berbère signifiant « vide ».
Histoire de l’îlot
La souveraineté sur l’îlot demeure en effet disputée par l’Espagne et le Maroc et qui tous deux le revendiquent en s’appuyant sur des données géographiques et historiques.
En effet, dès 1415, le territoire est considéré comme appartenant au Portugal. Cependant, le roi portugais avait cédé la souveraineté de ce territoire aux Espagnols en 1668 à la suite du traité de Lisbonne (reconnaissance de l’indépendance du Portugal par le royaume d’Espagne et de la fin de l’Union Ibérique), de même que pour Ceuta qui préférait rester sous la domination espagnole.
En 1808, l’Empire britannique s’est emparé de l’île, en faisant une dépendance de Gibraltar. Cependant, les Britanniques ont quitté l’îlot cinq ans plus tard, à la demande du roi d’Espagne Ferdinand VII. Lors du congrès de Vienne en 1815, les Britanniques ont confirmé la souveraineté espagnole sur l’île, mais ils ont refusé de rendre le rocher de Gibraltar à l’Espagne.
S’ensuivent plusieurs tentatives espagnoles pour occuper l’île, mais toutes échouèrent grâce à la résistance des marocains avec l’aide des britanniques. A titre d’exemple, une commission espagnole est envoyée sur l’îlot en 1887 pour ériger un phare, mais un groupe de Marocains, agissant sans l’autorisation du Sultan Chérifien, détruit immédiatement les fondations.
En 1912, le Maroc passe sous protectorat conjoint franco-espagnol, avec le nord du pays sous tutelle espagnole. L’Espagne met fin à son protectorat sur le nord du Maroc en avril 1956, ce qui amène le Maroc à considérer que l’îlot, situé dans ses eaux territoriales, redevient marocain.
Mais la situation de l’îlot est restée ambiguë depuis cette date. Le gouvernement espagnol a même accordé le statut de villes autonomes aux enclaves de Ceuta et Melilla, sans faire mention de l’îlot du Persil dans ce nouveau statut accordé à Ceuta.

Situation géographique de l’ilôt de Leila (Infographie LeDesk)
La crise de juillet 2002
L’îlot va être le théâtre d’une crise sans précédent entre le Maroc et l’Espagne en 2002. Le 11 juillet 2002, une douzaine de soldats de soldats de la gendarmerie royale marocaine débarquent sur l’îlot pour mettre en place un avant-poste d’observation. Le Maroc avait affirmé que l’objectif de ce poste est de surveiller l’immigration clandestine et de lutter contre le trafic de drogue.
L’Espagne avait rejeté la déclaration marocaine et le ministère espagnol des Affaires étrangères a affirmé que les Marocains avaient planté deux drapeaux sur l’île. Cinq jours après, le gouvernement espagnol avait lancé une opération militaire mobilisant plusieurs bateaux de guerre (mobilisation aussi faite par le Maroc), six hélicoptères avec le débarquement vingt-quatre soldats du groupe des opérations spéciales. Six cadets marocains ont été capturés et évacués par hélicoptère vers le siège de la Guardia Civil à Ceuta, où ils ont été reconduits jusqu’à la frontière marocaine. Cette opération coûta selon certains journaux espagnols environ un million d’euros.
Le Maroc avait qualifié cet acte de colonial tout en soulignant l’absence de fondement juridique et légal solide prouvant l’appartenance de l’îlot à l’Espagne. Cette offensive espagnole musclée a failli même enclencher une guerre entre les deux pays.
Face à cette crise diplomatique, la ministre espagnole des Affaires étrangères de l’époque Ana Palacio avait demandé la médiation des États-Unis qui réussissent à faire rétablir le statu quo précédant le débarquement marocain.
La situation actuelle de l’ilôt
Aujourd’hui le statut juridique de l’îlot reste indécis, et le statu quo persiste avec une interdiction de toute présence d’autorité civile ou militaire et absence de tout symbole représentatif d’une appartenance nationale à l’un des deux pays.
Le rocher Leila fait partie d’une série de possessions espagnols dispersées le long de la côte marocaine et dont Madrid a toujours refusé la rétrocession au Royaume après son indépendance en 1956. Les Espagnols maintiennent également leur souveraineté sur les enclaves emblématiques de Ceuta et Melilla, vestiges de la Reconquista. Le royaume chérifien ne cesse depuis de revendiquer les deux villes avec plus ou moins d’ardeur au gré des relations en dents de scie qu’il entretient avec son voisin européen.
Comment s’y rendre :
Pour rejoindre l’îlot Leila, prenez la Nationale 16 ou l’autoroute A4 depuis Tanger jusqu’au Port de Tanger Med. Après avoir passé le port, suivez la N16 sur 13 km, puis tournez à gauche dans le virage et continuez jusqu’au village de Belyounech. Traversez le village et suivez ensuite la piste à l’ouest qui vous mènera jusqu’au bord de la falaise, où vous trouverez un belvédère appelé « Panorama île Leila » offrant une vue sur l’îlot.
Sources :
- Ilôt Persil – Wikipedia
- Crise de l’été 2002, Ilôt Persil – Wikipedia
- Ilot Leila, les coulisses d’un désastre – Le Desk
- Leïla, le petit îlot à la grande histoire – Made In City